Lettre ouverte à nos vainqueurs flamands
LA SEMAINE DERNIERE, BART DE WEVER disait (à La Libre Belgique) « La Belgique n’existe plus ».
Le journaliste qui l’interrogeait ou l’éditeur qui le publiait avertissait : il ne manie pas la langue de bois. C’est vrai. C’est bien.
Son idée est que la Belgique a existé tant que la bourgeoisie francophone la maîtrisait, tant en Vlaanderen qu’en Wallonie. Il ne précise pas de quand à quand. Je ne vois d’ailleurs pas comment on le ferait. Ces choses sont indatables, n’existant que dans l’esprit de chacun, et chacun ayant des opinions secrètes autant que variables, légitimement.
La Belgique n’existe plus selon BDW parce que les revendications linguistiques et culturelles flamandes ont été bafouées par ladite bourgeoisie francophone.
Si bien que le peuple flamand a construit son identité autour de sa langue et de sa culture contre la Belgique. Ce projet séculaire aboutit aujourd’hui. Le Vlaanderen prend désormais son essor et son indépendance et laisse tomber son colonisateur, son oppresseur.
BDW ne semble pas se rendre compte, tout historien qu’il est, qu’en 1830 en effet la langue française était, avec la foi catholique, l’autonomie communale et le libre échange, le ciment de la Belgique, mais que la bourgeoisie francophone ne représentait qu’une minorité tant en Wallonie qu’à Bruxelles et dans le Vlaanderen.
Cela ne provenait pas d’une intention malveillante ou humiliante ni de la langue ou de la culture française, ni des francophones belges ou français, vis-à-vis des Flamands (ni des Wallons ni de personne). Cela provient de l’Histoire de nos régions, remonte au Moyen Age puis aux Bourguignons, aux Espagnols, aux Autrichiens, aux Français puis aux Hollandais. Le français était de fait devenu la langue de l’élite belge, comme d’autres élites européennes.
Les Wallons ne parlaient pas français chez eux non plus
Les Wallons ne parlaient pas français chez eux ni quotidiennement mais ils le comprenaient souvent plus ou moins. Ils se le représentaient comme le sommet d’une diglossie naturelle.
Cela est ordinaire et ne porte à conséquence morale pour personne. On assistait à la messe en latin, on rédigeait ou on faisait rédiger ses actes officiels en français et on parlait son patois, MUTATIS MUTANDIS comme partout si souvent.
Le français s’est naturellement répandu en Wallonie dans de plus en plus de sphères de la vie publique (administration, justice, école, affaires, commerce, culture, loisirs…), puis privée, au détriment du wallon, de plus en plus confiné au local, voire au familial, intime, jusqu’à la situation actuelle.
Seuls les vieux un peu rustiques (ou des originaux) le pratiquent désormais dans leur vie courante. Il n’y a de nouveau là aucun jugement moral. Ce n’est ni mal ni bien. On n’a forcé personne.
Simplement — beaucoup d’entre nous s’en souviennent encore personnellement, moi aussi — tant à la maison qu’à l’école on nous encourageait à maîtriser le bon français pour réussir dans la vie.
On nous décourageait du wallon, savoureux mais fruste, qui ne nous conduirait nulle part. Ce qui était et reste vrai.
Et il n’y a là non plus aucun jugement de valeur intrinsèque langagier ou culturel ; c’est simplement une réalité, admise par tous.
Dans le temps où les Flamands luttaient pour leurs patois, ou le flamand ou le néerlandais, les Wallons et les Bruxellois ne luttaient pas pour les leurs, et les laissaient périr de leur belle mort — euthanasie fréquente de dialectes trop limités. Ainsi le français ne s’est-il nullement « imposé » en Belgique aujourd’hui francophone par la violence illégitime de quiconque mais par un processus naturel et universel.
Les francophones habitant le Vlaanderen, dans près de 100% des familles, ayant épousé des francophones d’ailleurs en Belgique, conservèrent leur français chez eux tout en apprenant parfaitement le flamand et le néerlandais pour leur vie publique.
Je puis en témoigner pour des milliers de cousins, amis et connaissances. Là encore, rien d’immoral que je sache, n’est-ce pas ? (Ou tenez-vous pour tare ou péché de n’être pas Vlaamsvoelend ?)
Les Flamands ont réussi à sauver leurs patois en les faisant linguistiquement converger entre eux et avec l’Algemeen Beschaafd Nederlands aujourd’hui controversé, et surtout en faisant l’inverse des francophones : en l’imposant (ici par la force de la loi) à de plus en plus de sphères de la vie publique en Vlaanderen : loisirs, culture, commerce, affaires, école, justice, université, administration. Dorénavant, non seulement le flamand a droit de cité partout dans le Vlaanderen, mais le français y est interdit (par la loi) dans la vie publique.
Eh bien, BDW et consorts : par la contrainte que vous nous reprochez à tort, vous avez réussi , tant pis pour vous ;
Dans le temps où les francophones belges s’ouvraient complètement à une langue et une culture internationales, une des plus prestigieuses du monde, s’y assimilaient et maintenant la vivent comme leur entièrement, vous vous rabougrissiez, vous vous « raccrapottiez » sur le Vlaams ou le Nederlands (à vous de choisir, nous on s’en fout). Et ceci n’est pas une opinion sur la valeur ou le charme intrinsèque du Vlaams ou du Nederlands.
Si vous aviez comme nous choisi de passer au français, vous en seriez heureux et fiers aujourd’hui. (Comme ma famille.) Il n’y aurait pas de complexe flamand ni de remords, rancœur, méfiance tous azimuts, et en particulier défiance sinon désir de revanche, voire de vengeance obsessionnelle et intolérante contre vos compatriotes ayant fait l’autre choix.
Vous avez réussi, tant pis pour vous !
François-Xavier Nève
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1 commentaire:
La disparition de la langue wallonne a entraîné la disparition de l'esprit wallon.
C'est cela, le vrai problème de la Wallonie.
" Come nos vîx pères,
djozans todis Wallon "
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