Entretien avec Hervé Hasquin (Le Soir)
Hervé Hasquin observe les traces de belgitude avec sévérité. C’est que l’administrateur délégué du centre d’études du MR analyse les faits à l’aune de son esprit critique d’historien.
Ce noir, jaune, rouge qu’on affiche, c’est l’expression soudaine d’un attachement au pays ?
Une chose me sidère, en tant qu’historien : pour avoir beaucoup écrit sur l’évolution de la Belgique, je suis estomaqué par le biais que l’on retrouve, pour l’instant, dans le traitement de l’information. (*)
On essaie, côté francophone, de nous montrer qu’il y a encore des Belges. Et l’on nous montre et remontre LE Flamand qui se dit encore Belge. Intellectuellement, ça me scandalise.
Une vision tronquée ?
Au sud du pays, on entretient le mythe que ce qui est en train de se passer dans ce pays, c’est de la seule faute des hommes politiques. Si les francophones comprenaient le flamand et prenaient le temps d’aller voir en Flandre ce qui se passe, ils verraient que les choses sont bien plus avancées qu’on ne le dit, en termes d’éloignement.
Mais non, on vit dans le leurre et la duperie. Il est grand temps qu’on fasse comprendre aux francophones que, si, dans un pays, un groupe qui est majoritaire veut remettre une série de choses en question, la minorité doit s’adapter. Il faut que l’on ait le courage d’expliquer aux francophones que, bientôt, tout ne sera plus comme avant.
Philippe Moureaux ne dit pas autre chose, quand il avoue « craindre que les francophones ne vivent dans l’illusion, refusant de voir les réalités en face » (« Le Soir » du 19 septembre).
Nous sommes tous les deux historiens…
Mais les sondages, quand même… ? On les multiplie, mais jamais aucun média n’a osé poser la question aux citoyens du nord ou du sud : qu’est-ce que vous entendez par “être belge” ? Alors qu’on aurait des résultats très différents (**) ! Cela relève de l’escroquerie intellectuelle. On vit dans un grand bluff. Puis un jour, on se rendra compte que les choses ont changé.
Compter les drapeaux belges, ça participe du même bluff ?
Ça fait effet de loupe. Et ça montre que les derniers Belges sont en majorité des francophones bruxellois.
Rien que ça, cela souligne le fossé sociologique présent dans notre pays.
Il y a encore des Belges au nord du pays mais ils ne donnent pas le même sens au mot que ceux du sud. (**)
(*) Mi dji ni seus nén sbaré di ça: cåzumint totes les grandes gazetes sont scrîtes à Brussele, so l'influwence des djins ki vont piede bråmint cwand i n'årè pus di Beldjike
Po nén cåzer des scrijheus di li seul "grand hebdomadaire" francofone (Le Vif L'express) ki sont payîs pa des accionaires Flaminds.
Ni rovians nén nerén ki les djins d'el RTBF sont tchoezi pa les politikîs - les céns ki ont bråmint d'intrèt a co croere dins la Beldjike.
(**) Les dix plus grand Belges pour les Flamands sont presque tous flamands (Ambiorix, Mercator, Rubens, ...) sinon flamingants (Conscience) au point d'être incivique (Daems).
Pour les francophones il y aurait au moins un incontestablement Belge (Baudouin Ier), un Bruxellois (du plat pays qui est le sien) et quelques flamands quand même.